Il faut bien sortir de chez soi. [Prio Gun]

Près d'une semaine s'était écoulé depuis son arrivée à Sweetdreams. Il avait prit le temps de vider ses boîtes et de placer ses biens dans sa nouvelle demeure, s'était attelé à l'exploration de celle-ci, mais s'était bien vite retrouvé face au vide qui allait être son quotidien. Il vivait seul et ne connaissait personne, n'avait plus de famille à qui écrire et n'était pas à l'aise dans l'eau, ce qui lui interdisait l'immense piscine creusée derrière la maison.

C'était donc avec un petit soupir qu'il s'était habillé ce matin-là et qu'il était sorti de chez lui. Il avait entendu dire que la ville possédait une galerie d'art. Ce n'était pas grand-chose, mais peu de gens viendraient lui parler et il pourrait peut-être trouver une certaine inspiration dans les tableaux et les couleurs d'autrui.

En arrivant, il fut frappé de stupeur; la galerie n'était composée que d'une seule pièce. Et quelle pièce. Ancienne usine, la galerie offrait un espace libre et grandiose pour les œuvres de toutes sortes allant des sculptures aux tableaux jusqu'à des tags qui tranchaient bien avec certaines des autres œuvres exposées. Un peu intimidé par tout ce qu'il voyait, l'asiatique enfouit ses mains dans les poches de sa veste sans manches préférée et s'avança parmi les formes et les couleurs. Il s'arrêta devant une peinture abstraite et en admira silencieusement les contrastes et coups de pinceau. Il n'avait rien de mieux à faire que de flâner et c'était effectivement ce qu'il faisait.

Le pas rapide, le dos droit, les yeux centrés vers l'avant, il traversa la rue en soulevant d'une main un sac de plastique rempli de cannes, qui cliquetaient à chaque pas. Si certains individus tournèrent leur tête lorsqu'il passa furtivement à côté d'eux, ce n'était pas par méfiance, mais par intérêt: revêtant l'apparence de Gunthaer, il avait soigné son visage et ses cheveux ce matin afin d'être présentable. Outre son joli minois, il passa complètement inaperçu : on aurait dit un honnête homme qui sortait de l'épicerie avec ses achats. Seulement, ses intentions, comme toujours, étaient loin d'être louables.

Il ne put s'empêcher de pousser un soupir satisfait en voyant les coins de l'usine se dessiner au loin. Malgré sa taille, la galerie Kitsune n'accueillait pas beaucoup de visiteurs : son art contemporain, ses tableaux et ses sculptures devenaient vite ennuyants pour les individus originaires de la ville de Sweetdreams. Gunthaer eut un sourire à cette pensée : peut-être qu'ils manquaient d'imagination.
Il entra par la porte, tôt suivit par un groupe de jeunes qui s'extasièrent devant les couleurs. Lui-même dut prendre quelques secondes avant de sortir de sa torpeur.
Son sac en main, Gunthaer s'avança entre les quelques visiteurs, slaloma entre les sculptures et se dirigea vers le mur qui accueillait les plus grands tableaux : le coin de l'art abstrait.

Lorsqu'il posa son sac, son contenu s'entrechoqua dans un écho métallique. Sans s'en préoccuper, Gunthaer se recula de deux pas, et étira ses pouces et ses index comme pour faire le point d'une caméra. Il contempla l'oeuvre quelques secondes, avant de lâcher ce qui semblait être une affirmation en hochant la tête.
En se penchant, Gun ouvrit à nouveau son sac dans un fracas de sons divers : il en sortit tour à tour un masque de médecine blanc, une veste sleeveless rembourrée, ressemblant à un gilet par-balle blanc, et des lunettes en verre fumée. Il enfila la veste, attacha le masque et mit les lunettes. Puis, en se penchant à nouveau, il sortit une canette d'Aérosol. Il s'avança d'un pas, juste à côté du visiteur à l'air absorbé, le poussant gentiment de la main.
- Sorry, il fit sans le regarder, son masque étouffant sa voix. You might want to step back ~
Sans plus attendre, il secoua sa canette et appuya sur la valve, qui crissa en crachant un jet de de couleur vive sur le tableau.

Tout occupé qu'il était à regarder le tableau, le jeune homme ne remarqua pas immédiatement la présence de l'énergumène qui s'approcha. Ce fut l'étrange son qui provint du sac de celui-ci qui attira l'attention de l'asiatique qui détourna les yeux distraitement de l'oeuvre qui lui servait d'excuse à sa présence, sans toutefois tourner sa tête. Un inconnu à la chevelure blonde se tenait là et sortait toutes sortes de choses étranges de son sac. N'y connaissant franchement pas grand-chose en art, le jeune homme l'observa avec une certaine curiosité, n'osant cependant pas faire part de son intérêt à l'inconnu. Il demeura donc immobile jusqu'à ce que l'autre ne vienne gentiment le forçer à laisser sa place.

Le jeune homme ainsi déplacé regarda d'un air un peu surpris l'inconnu sortir une canette de peinture et ajouter sa propre touche à l'oeuvre exposée. La surprise passa et l'asiatique risqua un commentaire, se reculant bien gentiment de la zone d'action de cet étrange homme avant d'ouvrir la bouche:

- Darn, I should've taken a picture for a before-after effect.

Son ton était complètement exempt d'émotions, deadpan. Il semblait regarder d'un air critique cette première touche de couleur vive par dessus l'oeuvre originale et attendait patiemment la suite. Il avait bien fait de se rendre dans ce genre d'endroit. Évidemment, il ne s'agissait pas des plus étranges circonstances pour une rencontre qu'il lui ait été donné d'expérimenter, mais il commençait à voir le charme de cette ville au tourisme bizarre.

Plutôt que de s'insurger devant son acte de vandalisme, le visiteur se recula docilement en l'observant tracer sa première couche de peinture par-dessus le tableau.
- Darn, il se manifesta alors. I should've taken a picture for a before-after effect.
Devant ce manque total de réaction, Gunthaer s'interrompit dans son mouvement, sourcillant, tournant sa tête vers l'asiatique qu se tenait là, sans rien faire, comme s'il attendait la suite des choses.
Sous son masque, Gunthaer ne put empêcher ses lèvres de se lever en coin, alors qu'il pencha la tête, porta sa main libre à son cou, et poussa un petit soupir. Après quelques secondes à cogiter, il se pencha à nouveau vers le sac, y dénichant un autre masque et lunettes, qu'il lança à l'égard de l'opportun.
- Here, put these on. If you're going to stand there looking like an idiot, at least make yourself useful.
Il se baissa à nouveau, empoigna une canette d'aérosol jaune (plus précisément, une teinte d'or cuivré), et lui balança du bras. Il empoigna fermement sa propre canette (un pourpre vif), s'en retournant vers son oeuvre à en devenir. « First, you shake it to mix the paint with the propellant. Then, you hold the valve-- il en fit la démonstration, arrachant à la canne un long chuintement aigu, traçant une nouvelle ligne. -- like so. » Il se tourna vers lui.
- Careful not to breathe it in ! The stench is enough to cause brain damage.

L'étranger s'arrêta un instant, songeur et très certainement surpris de la réaction - ou du manque de réaction - de l'asiatique. L'intéressé demeura immobile à observer l'autre sans que son visage ne montre quoi que ce fut...jusqu'à ce qu'il se fasse donner de l'équipement à son tour. Bien vite, l'asiatique s'empara des lunettes et du masque et s'en vêtit. Il prit le temps de regarder le blond faire avant de l’imiter avec un peu d'hésitation, agitant la canette. Il s'arrêta avant de peindre avec l'énergumène et demanda, nonchalant:

- Got something planned or..?

Il laissa la question en suspens. S'il voulait qu'il se rende utile, il allait devoir le guider un peu. Il n'avait jamais même touché à ce genre de produit et ne maîtrisait certainement pas son trait comme le blond.

Désormais vêtu comme son complice, une canette de peinture en main, le jeune homme s'apprêtait à imposer des couleurs fraîches sur la toile qu'il fut pris d'une hésitation.
- Got something planned or..?
Tout en peignant une autre ligne, Gunthaer haussa les épaules,
- Nope, just go with the flow, buddy !
Il décrivit un S pourpre avant d'y ajouter une teinte de rouge, créant l'effet d'un dégradé entre les deux. Certains visiteurs se plaignirent - entre eux - du vacarme que faisaient les canettes, et de l'odeur. Ils étaient encore trop curieux de voir où leur collaboration les mènerait plutôt que de penser à appeler les autorités. Source de divertissement ou non, le vandalisme est illégal, d'où la nécessité de porter un masque.

En entendant les gens s'attrouper, la tension monta chez l'asiatique qui se défit finalement de ses atouts. Il ne pouvait pas faire ça. Il laissa les objets en une pile et tourna le dos au spectacle, résistant à l'envie d'appeler lui-même la police. Il se dirigea donc vers la sortie d'un pas décidé et sans équivoque, ignorant les regards et les murmures, mais sentant en lui une désagréable sensation de malaise qui le força à se faire violence pour ne pas courir dehors. Il n'avait rien à faire là, pas avec ce fou qui détruisait la galerie d'art de la sorte. Mais qu'est-ce qui lui avait pris de sortir de chez lui dans une ville pareille? Il s'arrêta près d'une statue avant d'avoir pu rejoindre la sortie et dut fermer les yeux pour ravaler l'envie de vomir tant la culpabilité d'avoir même songé à essayer l'écrasait. Il tenta de poursuivre son chemin, mais ne put faire que quelques pas. Il bifurqua vers les toilettes pour aller s'y laver le visage et probablement céder et vomir dans celles-ci.

Sa réponse sembla refroidir d'un seul coup son complice, qui décida aussitôt de lui faire faux-bond : il s'était arraché de son équipement avant de prendre ses jambes à son cou. Bon, il avait en fait tourné les talons pour vite faire demi-tour, mais c'était du pareil au même. Perplexe, Gunthaer porta sa main à sa nuque.
« Uh... » Il fit en la grattant, incertain de comprendre ce qui venait de se produire dans la tête de l'autre.
...Was it the Buddy part that offended you ? il lui lança depuis la fresque murale.
L'autre ne parut même pas l'entendre, s'en allant sans se retourner, titubant dans ses pas, comme s'il venait de succomber à un malaise. Lorsque Gunthaer entendit les portes de l'Usine se refermer, il pencha sa tête, fit signe à quelques visiteurs qui s'étaient approchés de se reculer, et se retourna vers le mur et la toile, reprenant là où il s'était arrêté.

Il arriva fort heureusement aux toilettes à temps pour rendre son déjeuner dans l'une des stalles. Il prit quelques secondes pour s'assurer d'en avoir finit et vint se rincer la bouche avec l'eau du lavabo et cracher, en profitant pour se laver le visage au passage. Il releva la tête et rencontra son propre regard dans le reflet du miroir. Il inspira profondément, puis expira lentement, répéta l'exercice quelques fois afin de se calmer, puis réfléchit à sa situation. L'équipement qu'il avait laissé devait encore être là bas ainsi que le vandale. Il ne devait certes pas être le premier au vu de l'état de la galerie. La police semblait bien faire passer l'endroit en tout dernier et le peu de gens qui venaient encore voir les œuvres ne devaient venir que pour ce genre de divertissements. Peu à peu, sa conscience s'apaisa et il put ressortir sans perdre la face.

D'un pas plus assuré et beaucoup moins maladif, il retourna auprès de l'oeuvre abîmée et reprit les objets qu'il avait délaissé plus tôt. Il agita la canette de peinture qui lui avait été passée et rejoignit le blond dans son geste - criminel certes, mais non violent- . Il s'excusa au fautif en bon complice improvisé, jouant presque cartes sur table:

- Sorry, must've been something I ate.

Son premier trait fut un peu mal assuré, mais le sens artistique y était. Le jet était impressionnant en premier lieu, mais la sensation en main était intéressante...Beaucoup plus intéressante que les boîtes vides qui étaient encore un peu empilées partout chez lui. Et puis, si les flics se pointaient vraiment, il pouvait toujours fuir en mode Parkour.

En jonglant avec les couleurs, la toile de Gunthaer se couvrit d'une grosse boule de pourpre tirant sur le rouge, à la queue orange qui s'effilait, jusqu'au bout du cadre, de poussière ocre, comme une étoile décrochée du ciel.

Heureusement, la peinture en aérosol qu'il s'était procuré séchait vite : assez vite pour avoir le temps de tracer les lignes - car ce genre de streetart se jouait surtout dans le linework - avant l'arrivée des autorités. Bien que les visiteurs semblaient captivés par la scène, il doutait que personne n'avait prévenu qui que ce soit.

Gun ajoutait une dernière couche de rouge à la tête de sa comète que son complice était revenu, avait enfilé son matériel et vint ajouter des ramifications - un peu maladroites - à la queue de la comète.
- Sorry, must've been something I ate.
- Well, I did warn you about the brain damage ~
Gun eut un sourire sous son masque, se tournant à nouveau vers son complice, penchant sa tête afin de mieux observer la posture de ce-dernier.
« Ach, no. » Il secoua sa tête. « Don't use your wrist like that, you might break it ! » Il se tourna vers le mur, se pencha un peu, décrivant un halo fluide autour de la comète de couleur.
- Instead, loosen your grip, move your arm, lift your shoulder ! Il s'avança d'un pas sautillant. You're not stuck on paper, the whole wall's your canvas !
Les bras ouverts, une canette dans chaque main, son enthousiasme était presque palpable.

Son retour fut accueillit par un brin d'humour avant qu'il ne puisse avoir droit à une autre petite leçon. Il fallait dire que le blond était beaucoup plus adepte à cet art que le pauvre passant qu'il avait entraîné dans son aventure. L'asiatique prit le temps d'écouter son comparse parler et corrigea sa posture sans un mot. Les paroles ne lui venaient plus, car il apprenait et y dévouait toute son attention ainsi que son intérêt. l'enthousiasme de l'autre le gagnait secrètement et il prenait plaisir à découvrir une autre facette d'un art méconnu. Silencieux, il acquiesça aux instructions de l'autre et laissa aller son imagination, formant des traits plus fluides qu'avant tout en laissant sa contribution en minimes portions. Il ne voulait pas entraver l'homme blond dans son oeuvre, mais bien la rehausser. C'était sa première fois et il avait besoin d'être un peu guidé. Malgré la confiance qu'il gagnait peu à peu dans ses gestes, il était alerte aux sons et aux mouvements dans le coin de sa vision. Il était prêt à détaler à toute allure si le besoin s'en faisait sentir.

- Niiiicee! il s'exclama en voyant les soudains progrès de son complice.
Son enthousiasme vint infecter quelques membres de la foule qui s'était agrandie, qui se mirent soudain à les encourager, croyant qu'il s'agissait d'un spectacle d'art contemporain. Animée par leurs mouvements, la comète sur le mur gagna de volume et de teintes: jusqu'au point de ne plus ressembler à une comète, mais à un entrelacement de couleurs vives.

Devant le tableau, Gun se sentit soudain foudroyé d'inspiration. Il vit, pendant l'espace d'un moment, les maillons d'une chaîne de lettres qui s'enchevêtraient l'un dans l'autre, formant un nom ou un mot, ou une phrase, qu'importe. Il se pencha pour échanger ses canettes de peinture pour un noir bien frais, s'arrêtant pour admirer l'image de leur spectateurs qui se reflétait dans la netteté de leurs contours, avant d'imposer des lignes bien nettes par-dessus leurs couche de couleurs.
- Hey buddy, help me out with the lines ! I wanna see what you can do ~

Le masque bien en place sur son visage ainsi que ses lunettes cachaient relativement ses traits au public qui s'agglutinait pour les observer. Certains d'entre eux semblaient croire à un spectacle et cette attitude risquait de rendre l'arrivée de la police plus difficile pour les autorités. Bien. Un compliment sur ses traits lui fit monter le rose aux joues, qui heureusement ne trahirent pas grand chose avec ce qu'il portait. Une petite pause s'imposa d'elle-même lorsque l'inconnu à la chevelure claire s'empara d'un noir de jais pour rajouter des lignes beaucoup plus nettes que leurs dégradés et barioles de couleurs. Il prit quelques secondes pour le laisser faire et tenter de voir ce qu'il voyait. Au début, il ne vit qu'un fouillis, puis il se força à sortir des normes et parvint à imaginer, en quelque sorte, les lettres qui se chevauchaient. C'était tout le temps dont il disposait pour y songer, car son comparse demanda son aide avec les traits.

- Hey buddy, help me out with the lines ! I wanna see what you can do ~

Une goutte de sueur perla au niveau de sa nuque, mais il acquiesça d'un ton toujours aussi neutre:

- Sure.

L'asiatique pigea à son tour dans le sac, qui était rempli et d'un désordre sans nom, une canette d'une autre couleur, un violet presque noir qui vint donner un je-ne-sais-quoi de plus aux lignes qu'il ajouta. Il voyait ce qu'il faisait, avait l'impression que leurs visions ne faisaient qu'une et se trouvait à apprécier cette espèce de transe qui l'animait. Il prenait toujours garde à son environnement et aux sons, mais il ne stressait plus autant.

L'autre parut hésiter un petit instant, avant d'obtempérer à sa demande.
- Sure. Sa réponse ne fit qu’agrandir le sourire du vandale.
- Attaboy ~♫ ! carillonna ce-dernier, lui offrant son meilleur profil derrière son accoutrement.
Il étouffa un gloussement en se rendant compte qu'il commençait à apprécier ce parfait inconnu.
Ce parfait inconnu, qui lui créerait aussi le parfait alibi : à la seconde où il verrait la silhouette des Autorités transparaître dans le reflet de sa canette, il déguerpirait sans demander son reste. Ne restait qu'un dernier élément à ajouter à son plan.
- Hey, feel free to join in ! J'ai assez de matériel pour que tout le monde puisse participer !
Comme il disait ces mots, le groupe de jeunes, qui étaient entrés à sa suite, se précipitèrent sur le sac pour se vêtir et de veste, et de lunette et de masque, attrapant au hasard une canette de peinture pour venir vandaliser le tableau d'à côté. Les adultes, plus réticents, durent discuter entre eux avant d'oser s'approcher et voir de plus près - ou au moins se saisir d'un masque pour pouvoir supporter l'odeur (d'ailleurs, l'artiste avait parlé de ... de lésions cérébrales ou chose?).

Une étincelle de malice luisit dans les yeux de Gunthaer, qui voyait des moutons s'ajouter à son troupeau. Avec autant de complices habillés de la même manière, il n'aurait aucun mal à se faufiler parmi eux.

Bientôt, Oren ne fut plus le seul complice du vandale. De l'attroupement surgirent plusieurs enthousiastes qui s'emparèrent d'équipement pour se joindre à la fête. Certains adultes se procurèrent également des masques pour se protéger de l'odeur franchement atroce de la peinture. Le moment allait venir de fuir, de prendre la poudre d'escampette avant que la police ne se pointe. Il devait mieux voir que ça s'il voulait réussir ses acrobaties en cas de fuite. Lentement, il se faufila au milieu des nouveaux participants et délaissa ses lunettes avant de se retrouver caché dans le public, discret et silencieux. Il passait inaperçu avec un simple masque comme plusieurs avaient. Il s'était bien amusé, mais ne tenait pas à être pris la main dans le sac après s'être laissé influencer de la sorte. Il savait qu'ils arrivaient, il avait l'impression de les entendre déjà. Sa conscience ne le rendait plus malade cependant et il se contentait de froidement analyser ses portes de sortie. Il attendit un peu, se mêlant à la foule jusqu'à pouvoir se débarrasser du masque et se placer vers l'arrière de l'attroupement, comme un bon spectateur curieux.

Peu à peu, lui comme son complice se distancèrent des feux de l'action, laissant aux artistes emballés tout l'espace qu'il leur faudrait pour créer. En s'éloignant du mur, Gun ne put s'empêcher de jeter un dernier coup d’œil à leur collaboration spontanée : véhiculés par leur passion, les artistes peignaient partout, autant sur les autres tableaux, que par-dessus leur tag, à côté, sur le sol, parfois même sur eux-mêmes - heureusement, les masques les protégeaient de la forte odeur de l'aérosol. Il eut un sourire en coin.

Tout en se fondant dans la foule, Gunthaer se départit de sa veste, puis, de ses lunettes qu'il laissa derrière lui, sans leur accorder la moindre importance.
Il sembla plutôt s'intéresser aux gens dans la foule - ceux qui se reculaient, ceux qui s'approchaient, ceux qui se précipitaient vers le sac rempli de matériel... En repérant son complice de plus tôt, Gun s'assura qu'on ne le regardait pas, puis, se coula vers l'asiatique, troquant sa démarche confiante pour un pas de velours.

Mais à peine réussit-il à se frayer un chemin vers lui que la porte de l'Usine s'ouvrit grande, et que trois officiers tout de noir vêtu pénétrèrent l'établissement. Gunthaer sentit l'adrénaline monter en lui. Alors qu'ils s'adressaient à la foule - leur demandant de s'éloigner et de cesser leurs activités - lui, se pencha vers Oren, lui offrant son plus joli sourire.
« Hey... Wanna bail ? » Il tourna les yeux vers les trois officiers, s'assurant qu'ils n'avaient pas encore bougés.

Bientôt, l'instigateur se fraya un chemin jusqu'à lui, usant d'autant de discrétion que lui-même. Les portes de l'usine s'ouvrirent et trois hommes tout de noir vêtus firent leur entrée en bonnes autorités, encourageant les gens à les laisser passer et à cesser leurs activités. Il était à l'abri parmi les gens, il ne se ferait pas remarquer...Sauf par cet énergumène blond qui lui demanda avec son plus beau sourire s'il voulait fuir. La suggestion laissait entendre que la fuite se ferait à deux, mais avec cet inconnu, il ne pouvait pas en être certain et se contenta d'acquiescer calmement. Il ne voulait pas attirer l'attention. Bientôt, dissimulé dans la foule, il se dirigea vers la porte, sans pour autant courir ou sembler nerveux. En fait, il donnait l'impression d'être poussé par la foule vers la sortie.

--s'éloigne du mur sur le champ ! Pour ceux qui n'ont pas de masque, couvrez-vous la bouche ! L'odeur de ce genre de peinture en aérosol

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« --is enough to cause brain damage. »
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Évidemment, l'avertissement de l'officier planta une graine d'incertitude dans le cœur des artistes, qui fixaient de yeux vitreux la canette de peinture qu'ils avaient en main. Gagné par les avertissements des Autorités, un vieillard au crâne dégarni se manifesta en ajoutant que le crissement des canettes pouvait aussi endommager l'ouïs sensible. Au lieu d’acquiescer, les Autorités lui demandèrent calmement, mais fermement, de garder son calme. Un autre visiteur préféra s'enquérir sur l'état des choses. Étaient-ils libres de partir ? Un officier lui répondit que oui, tandis que son collègue lui répondit le contraire. Devant se différend, les deux officiers se dévisagèrent mutuellement.

Les yeux de Gunthaer, eux, pétillèrent. Il profita de leur confusion pour rajouter de l'huile sur le feu. Il poussa du pied une visiteuse de l'attroupement, qui s'élança en avant. Le brusquerie du mouvement fit tressauter à la fois les autres visiteurs, ainsi que les officiers: l'un d'eux, croyant qu'il s'agissait d'une fuite, se précipita devant afin de l'intercepter.

C'est ce qui amorça le reste : à la fois effrayés par les effets de la forte odeur de peinture, déboussolés par l'arrivée des autorités, et piégés dans leur confusions, les visiteurs se déchaînèrent soudain, incapables de tenir en place. Ils couraient dans tous les sens, criaient à l'aide, à la brutalité policière, à l'abandon, se bousculant les uns contre les autres en cherchant à se diriger vers la sortie.
Sans même regarder son complice, Gunthaer donna un petit coup de coude à ce-dernier avant de s'élancer à son tour, rejoignant le chaos à cœur joie.

Il ne fallut pas longtemps avant que les avertissements ne fusent et que la foule fasse monter la tension et la peur. Il fallait dire que trois officiers, ce n'était pas beaucoup et qu'eux étaient dans tous leurs états. L'odeur de la peinture, la confusion, tout s'empila pour créer un merveilleux chaos qui lui permit, en compagnie de son comparse, de prendre la poudre d'escampette après que celui-ci lui ait donné un coup de coude. Relativement mince, il arrivait à se frayer un chemin entre les corps qui se poussaient vers la porte.

Finalement, il fut expulsé de la masse comme un bouchon d'alcool et s'en alla choir en une roulade dans la rue. Il se releva aussitôt, revenant sur ses pieds comme si de rien n'était avant de repérer un bâtiment qu'il pouvait grimper. Il prit son élan à la course et sauta pour se raccrocher au rebord d'un muret avant de se déplacer vers un mur aux briques légèrement saillantes et de gravir les étages sans un regard en arrière, passant les balcons avant de prendre une pause sur le toit. Il chercha des yeux son complice en contrebas. Il le retrouverait par la suite, mais les officiers ne pourraient jamais gravir cette bâtisse à sa suite et devaient de toute manière être occupés avec le reste de la foule qui courait partout.

Un sourire mutin derrière son masque, il se dégagea de la masse à son tour, se décalant d'un pas sur le côté pour laisser la place aux plus rapides. Il jeta un regard circulaire autour, constatant qu'une voiture de police était garée juste devant l'usine. Mieux valait ne pas traîner ici. Gunthaer contourna le véhicule d'un pas léger, libérant sa bouche de son masque anti-poussière pour prendre une grande bouffée d'air frais.

Il ne resta pas plus longtemps à observer les visiteurs qui s'enfuyaient de la Galerie. Le plus tôt il serait parti, le mieux ce serait. C'est pourquoi, tout en s'éloignant d'un pas léger, il en profita pour replacer ses mèches, et son col, comme si de rien n'était. Il s'éloigna de l'usine sans faire de chichis, prenant tout le temps du monde pour délacer le masque qui pendait à son cou et le laisser choir au sol, sans lui prêter plus de regard.

Non, son intérêt était porté ailleurs. Après s'être engagé dans une ruelle baignant dans l'ombre des bâtiments voisins, il scruta les lieux à la recherche de son complice. « Huh. » Ils étaient pourtant sortis en même temps. Comment ce-dernier avait-il fait pour se volatiliser de la sorte? Il se donna quelques secondes pour faire un tour sur soi et s'assurer que personne ne le suivait, avant de hausser les épaules, et renoncer à le trouver. « Bummer. » il se gratta la joue de l'index, avant de rentrer ses mains dans ses poches. « Should've at least get his name... »

Bien à l'abris des regards du haut de son perchoir, Oren eut tut le loisir de repérer son complice blond tout en bas dans la ruelle. Il le suivit un peu du haut des toits, se déplaçant d'un toit à l'autre ou d'un toit à un balcon, à un muret, à une benne à ordure avant de reprendre de la hauteur. Les richesses moindres du quartier en faisaient un endroit idéal pour sa discipline favorite. Il attendit cependant d'être suffisamment loin de la galerie pour redescendre au sol. Non loin de l'inconnu blond, un bloc appartement se dressait. L'asiatique prit de l'élan, s’élança au travers du vide pour se réceptionner sur le bord d'un balcon, aisément repérable désormais. Sans même jeter un coup d’œil -il avait prit le temps de calculer sa trajectoire avant de sauter- il rebondit sur le building d'à coté avant de revenir sur le bloc appartements d'avant, un étage plus bas et ainsi de suite jusqu'à retrouver le plancher des vaches.

C'est en entendant un fort impact métallique que Gunthaer leva les yeux, suivant l'origine du son. Tout ce qu'il vit fut le balcon d'un des appartements avoisinant. Un peu embarrassé, il poussa un soupir, s'efforçant de garder le sourire, se disant que son adrénaline n'avait pas encore été convenablement dépensée. Alors qu'il se remettait en route, le son reprit - plus doucement, cette fois. En relevant les yeux, Gunthaer arriva à deviner l'ombre d'un individu qui
-- qui bondissait de balcon en balcon, descendant chaque étage avec aise, après chaque saut.

En plissant les paupières, Gunthaer discerna ses formes. Son chandail, en particulier la couleur de celui-ci, lui fit dilater ses pupilles : il n'eut aucune difficulté à reconnaître le jaune criard du t-shirt que portait son complice. Mu d'un nouveau sourire, Gunthaer poursuivit sa marche, tout en observant la prestation de l'autre d'un regard intrigué. Pas étonnant qu'il se soit volatilisé, vu son agilité.
Et quelle agilité ! Toujours sans le quitter des yeux, Gunthaer ne put s'empêcher de pencher la tête et d'observer sous un autre angle la pauvre victime à son jeu de plus tôt. Il leva distraitement l'une de ses mains à sa bouche, et sa langue le long son pouce. « Color me impressed... »
Il se tira hors de ses fantasmes en passant la main dans ses cheveux, s'arrêtant près de l'endroit où se poserait la sauterelle.
- You're some kind of grasshopper, or something ? Il lui lança en remuant les épaules, toujours ahuri du spectacle qu'il venait de voir.

Son manège avait réussi à attirer l'attention du blond, qui lui demanda de but en blanc s'il était une sorte de sauterelle. Se redressant de son atterrissage, il offrit un petit sourire à son complice. Non, il n'était pas une sauterelle, mais au vu de la ville dans laquelle il habitait, l'hypothèse était presque plausible. Il s’avança un peu hors de la pénombre et s'expliqua:

- Non, je ne suis pas une sauterelle. Je fais du Parkour.

Il songea à tous les endroits qu'il avait connu, à ses propres trajets près de son ancienne demeure. Cette ville-là lui révélerait ses secrets en temps voulu. Il ajouta:

- It gets fun once you're good enough not to break a leg.

Le dos incliné et la tête toujours penchée, Gunthaer laissa son complice s'approcher avant de ne relever que les yeux sur lui. À la Galerie, ul n'avait pas vraiment prêté attention à la couleur de ses yeux, mais maintenant qu'il était plus près...
- Non, je ne suis pas une sauterelle, lui répondit Oren, un peu plus loquace. Je fais du Parkour.
- L'un n'exclut pas l'autre, you know ~
le piqua Gunthaer derechef, sans perdre le sourire à ses lèvres. Il aurait très bien pu être une sorte de sauterelle qui faisait du parkour, qui sait ! L'autre d'ajouter:
- « It gets fun once you're good enough not to break a leg. Gunthaer remua les épaules à l'image évoquée.
- Ha-hah, yeah ? »
Gunthaer redressa un peu son dos, ébouriffant légèrement ses mèches avant de ranger sa main dans ses poches.
- Looks like a reckless hobby to me ! Miss one jump, and you're done for.

Son affirmation sembla aller aux orties vu que son comparse décida de s'amuser à ses dépens. Il était vrai que son passe-temps était dangereux, mais il suffisait de confiance et d'une bonne forme physique pour réussir la plupart des trucs de base. La posture de l'asiatique était droite, mais décontractée. L'autre pouvait bien dire ce qu'il voulait, les risques ne l'empêcheraient pas de pratiquer son sport.

- Well you don't really START with the dangerous stuff. It's like any other sport really, sometimes fun, sometimes dangerous, a bit of both.

Il fit la moue un instant, se souvenant des multiples blessures qu'il avait soigné chez ses amis par le passé avant que ses pensées ne reviennent sur le commentaire de l'inconnu.

- Et je vous assure que cette forme est la seule que je possède.

Il inclina la tête poliment.

Sujet: Re: Il faut bien sortir de chez soi. [Prio Gun]

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