Elles. Ils. Lui. Elle.
Arelan rejeta violemment sa couverture et bondit hors de son lit, chassé par ses souvenirs. Hurlements de rage, de haine, de douleur et de peur qui pourtant ne retentissaient que sa tête. Tête qu'il prenait à deux mains, rejetant sa mèche ou se pétrissant la face en tournant comme un fauve acculé. Une attitude certes dramatique mais pourtant aucune exagérée.
Lui. Elles. Elle. lUi. EuX. Ils.
Acculé, prit au piège véritablement par sa mémoire qui avait décidé de remonter maintenant et avec elle, bien malgré lui, les émotions qui devaient en découler pour n'importe quel humain. Tristesse. Furie. Détresse. Tout se confondait, il glissait doucement vers la panique, ce qui était loin de l'aider à reprendre le dessus. Puis un déclic.

La boucle régulière de ses pas se brisa, il attrapa un jean, un T-Shirt noir, une veste banale et s'habilla. Il restait en vêtements sombres, par habitude surement, mais il ne sortait pas en tant que Phantom. Il prit l'AMT Hardballer chargé et quelques autres indispensables et sortit enfin par la fenêtre, la refermant bien derrière lui.




Il était relativement peu couvert; le froid le saisit au bout de quelques dizaines de secondes de marche. C'était un froid sec qui disait cependant qu'il pleuvrait le lendemain, un froid nocturne de début d'automne digne de cette heure où une partie de Lorenzo Pais District dormait ou s'endormait devant des lambeaux d'émissions télévisées tandis que l'autre partie, la mauvaise partie, sortait de son trou.
La sortie précipitée, le froid, le calme agité de la rue l'apaisait. Sa respiration reprit une ampleur sereine, libérée de son étau, son cœur rebattit avec une régularité lente de sportif, son esprit redevenait calme et alerte. Il soupira du plaisir simple de ces sensations alors que ses muscles se détendait pour lui rendre toute sa fluidité. Les souvenirs s'étiolaient, revenait le calme froid et la sensation de creux.

Il étira un bras, observant la faune nocturne de Lorrenzo Pais s'éveillant. Ici, une belle de nuit commençait sa garde, guettant le client patiemment. Là, le dealer attendait, posté dans l'ombre comme une buse sur un poteau en campagne, attendant quelque pigeon. Arelan scrutait la rue, détendu, avec le regard d'un expert se promenant en pleine campagne, s'exclamant sur la faune et la flore de l'endroit là où d'autres voyaient des arbres et des arbres et encore des arbres.
Puis vint un moment où il vit quelques jeunes danser, sans qu'il n'entende la moindre note. Déjà perchés ? Il ne leur souhaitait pas de croiser la police. Il cessèrent de danser , reformant leur petit groupe en riant bruyamment, vêtus de sweats-shirts. Sauf une. Qui dansait toujours, à un rythme imaginaire.
Il ralentit le pas, la suivant à une douzaine de mètres, vaguement amusé. De temps à autres, d'autres s'arrêtaient, dansaient un peu, parfois doués, parfois ridicules, et repartaient heureux. Arelan en vint même à regretter de ne pas être capable de faire la même chose, il en vint à regretter ce qui faisait qu'il avait toujours vécu en recul des autres, plus spectateur qu'acteur.
... Et puis merde, à la fin.

Il reprit sa marche allongée, s'adapta tant bien que mal à la jeunette éclairée de lune et lui offrit sa maigre contribution. Sa voix grave et profonde débuta un chant trop souvent entendu aux radios "tendances" dernièrement. L'air dansant, joyeux (que je laisse Gun trouver s'il veut *fuit*) s'accordait plutôt bien, étrangement à sa voix usuellement lugubre, qui cette fois jouait sur les graves, les effets de la musique originale. Reprise a cappella pas mauvaise dans son genre. Et pour ceux qui trouvaient qu'il manquait des instruments ... Deux choix : soit se créer une marche façon film idiot où une personne chante ou danse sans raison ce qui débouche à une chorégraphie de la moitié du pays, et sans faux-pas ... soit imiter les deux. Rythme imaginaire, accompagnement musical imaginaire.

Elle se mit à lui tournicoter autour, attirant presque plus l'attention sur lui. Heureusement que le fait qu'elle mouvait, dansait, continuait néanmoins d’attraper l’œil. Elle fit elle aussi entendre une voix. Une voix pas trop désagréable, une voix normale, pas une de ses crécerelle qui lui aurait vrillé les tympans. Une voix humaine, quoi.

Il fit exprès de glisser vers un autre chant avant d'avoir totalement achevé l'autre, ne désirant pas créer de brisures. Ou plutôt un vieux mash-up d'un groupe encore plus vieux. Prit surement de la fantaisie de la nuit, sous le spot lunaire, il se permit plus de libertés sur celui-ci, l'accordant à sa sauce, ajoutant une syncope ici, l'accélérant un peu, créant une brisure là. Le tout restait très dansant tout de même. Il surprit même ses doigts à claquer la mesure, se moquant du pansement à sa main, caché par coquetterie sous une mitaine noire. Sa tête dodelinait doucement au rythme. Quelques passants se retournaient, et alors ?
Pour une fois, il était content. Content parce que même s'il gardait sa distance, il faisait partie d'un grand tout nommé humanité, aussi stupide ce tout soit-il. Et personne ne lui gâcherait ça. Pour une fois qu'il se lâchait. Enfin... qu'il se lâchait sans être drogué ou gris.

C'était la chanson qui le voulait, le tout se finissait de manière brusque. Juste au moment où Arelan se tourna vers la danseuse. Il avait juste envie de la remercier, mais surtout il était curieux de savoir ce qui l'avait poussée à agir ainsi en premier lieu. Il était toujours curieux de ses co-individus.

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Sa dance s'arrêta avec son chant. Les deux se regardèrent alors qu'elle se mettait à pépier.
Tu vois quand tu veux ! A-re-lan ♫
Il eut un demi-sourire qui étira sa bouche vers sa joue saine et haussa les épaules.
Nice moves ... Takeshi ?
Ce fut tout ce qu'il trouva à dire. Il ne savait pas ce qui lui avait pris à la base, il se surprenait à revoir devant ses yeux l'image de la carte d'identité si clairement, le "voleur" à côté. Il se rappela de ce qui l'avait chassé de chez lui et eut un pincement au cœur.
Quelque chose se dégradait dans sa mécanique parfaitement huilée.
Sa main gauche, saine, alla griffer dans son toupet, le rabattant un instant en arrière. Profiter du moment pour le moment. Laisser les soucis loin. Le plus loin possible pour l'instant.
Il le méritait tout autant qu'un autre.

L'asiatique corrigea sa prononciation avant de continuer, remuante.
Then again, I didn't expect you to remember!
Just as I didn't thought that you'll remember me badina-t-il en la suivant des yeux.
Sa vivacité l'étonnait un peu. Lui restait immobile, les mains dans les poches mais elle ! Elle tournait, elle remuait, elle sautillait presque. Elle semblait un peu vexée qu'elle ait écorché son nom.
Night stroll ?
And you ? demanda-t-il, neutre, sans arrière pensée. Il se demandait simplement ce qu'elle faisait dehors, seule, à cette heure-ci.

Little bit of business, little bit of boredom. I didn't get much tonight 'cause the people living here don't have much.
Il soupira en balançant la tête, plus amusé (et un peu blasé) qu'autre chose
You choosed a very good place, indeed ! se moqua-t-il
Elle sautilla encore un peu plis remit son butin dans sa poche.
I saw worst work in better places observa-t-il simplement, la phrase lui ayant mollement échappé.
I plan to give 'em back after my stroll, though. No harm no foul, right ?
T-t-t. 'would be again all rules of business ~ Even if it's none of mine, by the way. But, what's lost is lost, right ~ ? gouailla-t-il en haussant les épaules, beau joueur. Ses yeux la suivirent. Jesus Can't you stay still ?! Il riait à moitié et recula un peu pour s'appuyer contre un mur et laisser plus de placée à la turbulente femme. Sa main chercha mécaniquement sa vapoteuse, avec l'inquiétude de l'avoir oubliée chez lui ... ou pire, pensa-t-il en regardant Takesi. ... got it. Il alluma l'appareil et attendit les premières volutes blanchâtres en regardant avec un demi-sourire une jeune abandonner son ami pour se joindre à la danse.

« T-t-t. 'would be again all rules of business ~ Even if it's none of mine, by the way. But, what's lost is lost, right ~ ? »
« Pah ! » poussa le pickpocket, les sourcils levés haut sur une expression de dédain. « Losing things is for amateurs ! I much prefer the thrill of borrowing rather than the object itself. » Et Arelan, riant à moitié:
« Jesus Can't you stay still ?! » Gun, riant de vive voix:
« Ha ha haa! ♥ »

« Not that thing again! »

« Ha hah, yeahh! Shake it ♫ shake it ♪ ! » Il lança un regard de côté au vapoteur tout près avant de tendre sa main pour prendre la sienne - et tenter de l'entraîner dans la danse.
« Come on, Harry! »

Not that thing again!
Arelan lui jeta un regard mi-figue mi-raisin et souffla un nuage blanchâtre dans sa direction. Il les laissa danser, avec juste un petit regard asent vers elle de temps à autres, croisant un moment les yeux du jeune, sentant un jet électrique passer.
Ha hah, yeahh! Shake it ♫ shake it ♪ !
Les deux jeunes femmes dansaient plus ou moins bien, l'inconnue semblait un peu gênée et gloussait à intervalles régulières. L'écran de fumée n'était plus qu'un souvenir. Il reporta la cigarette à sa bouche pour en tirer une longue bouffée de nicotine. Sauf qu'une main choppa son poignet.
Come on, Harry!
Bon. Il n'avait plus trop le choix. Il prit le rôle du badaud commun (Homo non-sapiens vulgaris) et invita l'ami de la jeune à rejoindre les gamines d'un signe de la main, souriant.

Et voilà comment deux jeunes femmes et deux idiots se mirent à danser, plus ou moins bien, sur un rythme imaginaire.