La matinée au boulot avait filé comme un rien; il n'avait même pas remarqué les heures qui passaient.
En toute honnêtetée, il fallait préciser qu'il était arrivé au poste une bonne heure en retard – faute à son réveil, s'était-il justifié .. Oui, bon, de dire que son réveil-matin n'avait pas sonné n'était pas tout à fait un mensonge, seulement il n'avait pas tenu bon de préciser qu'il avait tout bonnement négligé de le programmer, la veille. Ça, personne n'avait besoin de le savoir..
Et donc, avec une heure de moins à son actif, la matinée s'était écoulée sans même qu'il s'en aperçoive, le ramenant encore une fois à l'extérieur du studio, en train d'errer et de trainer des pieds sur le chemin du retour, alors que sa pause s'achevait. Son repas à la main, il se laissait distraire par tout détail intéressant qui pouvait lui tomber dans l'oeil, question de pouvoir mettre un peu de temps entre lui-même et le moment où il aurait à nouveau à franchir les portes du travail; ne serais-ce que pour quelques secondes de plus de liberté.
Oh, pourtant, il aimait ce qu'il faisait, vraiment! Seulement, il était volage comme cela : l'absence de responsabilité lui seyait mieux que n'importe quel titre, n'importe quel salaire. Cela dit, il n'avait pas vraiment le choix; sa nouvelle vie d'humain avait quelques contraites, et il s'y pliait, somme toute, avec bonne humeur.

Arrivée en vue du studio, situé tout juste sur l'une des rues qui bordait le parc, Arturo tourna la tête en apercevant du coin de l'oeil la jeune femme qui se rassemblait sur elle-même comme un chat : ainsi, il eut tout le loisir de la voir bondir, tendre les mains et puis s'étaler à l'endroit où juste quelques secondes plus tôt se trouvait une grosse pie occupée à chercher des miettes. L'oiseau s'était envolé, fort heureusement, mais la maladroite chasseresse demeurait bien en place, à la vue de tous, et il fallut encore un petit moment à l'hirondelle pour réaliser la signification de la scène à laquelle il venait d'assister. Trop heureux de ce nouveau petit contre temps, il dévia de sa route et fit quelques pas en direction de Rafaele, histoire qu'elle se trouve à portée de voix sans qu'il ait besoin de crier.

« .. c'est un à zéro pour l'oiseau, on dirait! »

Et ce n'était pas intentionnel de sa part, mais un grand sourire moqueur vint relever ses traits alors qu'il laissait échapper ces quelques mots. On ne se débarrasserait pas de l'oiseau en lui si facilement...

Lorsqu'elle se tourna vers lui, la jeune femme ouvrit la bouche pour laisser entendre un son qui rappelait le feulement d'un chat : un frisson dans le dos fit dresser les cheveux sur sa nuque. C'était instinctif, encré dans ses gênes, il tenait ces animaux en horreur, et la facilité avec laquelle Rafaele parvenait à les immiter lui avait mis la puce à l'oreille. Il n'osa cependant pas sauter aux conclusions trop vite, et il se contenta d'observer la fille qui lui avait répondu avec orgueil.

« Ah ..! » il répondit avec scepticisme, en se demandant comment une humaine condamnée à coller au sol pouvait espérer rattraper un oiseau qui s'est envolé.

D'autant plus que des pies comme celle qu'elle avait tenté d'attraper, il y en avait par centaine, dans ce parc : si elle souhaitait mener son plan à terme, elle allait devoir retrouver la bonne .. mais il ne jugea pas pertinent de relever ce détail.

« Et quand tu l'auras, tu vas faire quoi avec? Le déplumer et le manger? ~ »